Interview de Philippe MANESSE comédien & directeur du Café de la Gare – 45 ans de spectacles !

Une soirée au Café de la Gare ne peut laisser indifférent aucun passionné de théâtre en recherche d’humour et de chaleur.
L’ambiance familiale, la convivialité qui se répand dans la cour aussi bien que dans la salle sont des raisons de ne vous faire regretter parfois de ne pas avoir une vie de bohème. Saviez-vous que le célèbre café théâtre fête ses 45 ans cette année ?

Saltimbanque, Philippe Manesse, le directeur de cette institution du Marais, l’est et le revendique.
A la sortie de la pièce aPhone écrite par son fils Jérémy et dans laquelle il partage l’affiche, le patriarche cabot nous invite à sa table, design – un panneau de circulation recyclé – pour nous conter les grandes heures de ce théâtre, les succès et les leçons du métier.

INTERVIEW de Philippe Manesse

 

UsofParis : Qu’est-ce qui vous incite à choisir de programmer une pièce ?
Philippe Manesse : D’abord, l’envie programmer des gens qui travaillent comme nous, qui sont sous-médiatisés et qui ne se prennent la tête sur leur ego. Point essentiel : on est tous payés pareil. Ça élimine un certain nombre de troupes qui fonctionnent autrement. Car il est très difficile de construire une troupe, ça ne se fait pas en 5 minutes. Les comédiens ont besoin de temps pour s’entendre. Nous avons une façon de faire différente des autres théâtres.

Le théâtre est artisanal. Même les grandes salles le sont. Ne serait-ce que parce que l’on ne peut pas mettre plus de 500 personnes dans une même salle. Ça marche avec les one-man-show qui ont une présence médiatique forte. Mais nous nous n’avons pas notre place à la télévision.

Quel regard avez-vous sur votre activité ?
Le théâtre est un drôle de métier. La preuve : Meetic. Je m’y suis inscrit, sans payé (rires) pour avoir une vue sociologique. Et je ne crois pas me tromper en disant que 80 à 90 % des nanas qui sont sur ce site de rencontres disent avoir comme hobby, le théâtre. C’est incroyable. Si elles disaient vraiment ce qu’elles pensent, le théâtre n’aurait pas de problème. Mais la moyenne nationale est un spectacle par an, par français.

Qu’est-ce qui vous motive encore ?
Faire le con sur scène ! (rires) Tant que j’arrive à faire ça, je suis content.

Même avec les emmerdes  ?
C’est obligatoire ! Y’a pas d’autre choix. D’ailleurs ça fait 30 ans que ça dure. Je me souviens quand je suis arrivé, j’ai senti tout de suite que si les autres membres du Café de la Gare continuaient sur leur lancée, on irait droit dans le mur. En 1969, c’était vraiment n’importe quoi. Il n’y avait pas de billetterie et pas de fiches de paie. Et au bout d’un moment, ça a coincé. Le mot d’ordre était la politique de l’autruche.
D’une façon non officielle, j’ai commencé à avoir une politique vis-à-vis de l’Ursaff avec qui nous avions une dette d’1 million de francs à l’époque (152 000 euros environ). J’envoyais tous les mois 3 000 francs (450 euros) en leur disant qu’on ne pouvait leur donner plus pour le moment. Et ça a duré jusqu’à ce qu’on prenne un spectacle de l’extérieur: Thé à la menthe ou t’es citron ? en 1992.

Justement, parlons de cette pièce qui est  toujours à l’affiche (dans un autre théâtre) : Thé à la menthe ou t’es citron ?
L’aventure a commencé par location de la salle pour une soirée organiser afin de faire venir des directeurs de salle. Ça m’ennuyait un peu de leur faire payer, mais la troupe était sûre de remplir. Le soir, tout le public fidèle de la troupe était présent ; par contre aucun directeur de salle, comme d’habitude. Car c’était une troupe d’amateurs.
A la suite, j’ai proposé de les aider pour la mise en scène. Et on a débuté au mois de juin. Au départ avec 20-30 places payantes par soir. Il a fallu 8 mois pour avoir une salle pleine. Et puis le carton, ce qui nous a permis de rembourser totalement l’Ursaff, 15 ans après.
Je suis, en quelque sorte, le premier producteur de Thé à la menthe et t’es citron ? Je faisais les fiches de paie. Je reprenais la direction d’acteurs. Ils n’avaient, en fait, pas l’habitude du succès, et surtout en avaient peur. Plus ça marchait, plus ils se posaient de questions et plus ils étaient inquiets.  Mon principal conseil était : “ne forcez pas, soyez les plus sincères possibles !”

 

Quels retours de spectateurs au cours de ces nombreuses années vous ont rendu heureux ?

Que j’étais le meilleur ! (rires) Ça me touche beaucoup et ça arrive souvent. Le public me dit que j’étais le meilleur comédien dans telle pièce, comme pour aPhone –  faut préciser que je suis à la sortie pour vendre le programme, ça facilite ! Et je sais que beaucoup de ceux qui viennent me voir sont des spectateurs qui me suivent depuis longtemps.
Et me disent aussi : “bravo pour le choix des spectacles“. Finalement, je n’ai pas beaucoup de mérite, car bien souvent ce sont les spectacles qui choisissent le Café de la Gare.  Car ce sont des équipes qui partagent notre état d’esprit, où il n’y a pas de tête d’affiche et qu’aucun théâtre ne veut. Je n’ai eu qu’à attendre.

Est-ce que les comédiens qui sont passés au Café de la Gare sont reconnaissants ?
Oui et non (rires). Oui intellectuellement. Mais ils reviennent rarement. Sur 40 ans, tous les gens qui sont passés, on les revoie pas souvent. Parce qu’on est décalé par rapport à la réalité qu’ils vivent tous les jours.Il y a progressivement une sorte de gêne qui se crée dans ce milieu. C’est étrange.
Par exemple, quand  j’avais fait une pièce avec Sotha et que j’avais demandé pour les voix des guests comme Thierry Lhermitte qui avait accepté. Une fois l’enregistrement réalisé, il n’est jamais venu voir le spectacle.

Quel est le souvenir que vous aimez rejouer dans votre tête ?
Le truc le plus performant et hallucinant pour moi a été de jouer Pissenlit dans Le Graphique de Boscop en 1975. Ça faisait deux ans que je faisais de la comédie, et je jouais un débile mental sur scène. Et je n’ai jamais autant cartonné de ma vie qu’avec ce rôle. Le public était fasciné. Je levais le petit doigt et tout le monde était mort de rire.
Je me souviens que j’étais assis sur scène, les autres comédiens autour de moi. Sotha jouait ma soeur et Romain Bouteille mon père. On était une famille d’éboueurs. Je ne faisais pourtant pas grand chose et Sotha se retournait vers moi pour me dire: “arrête, arrête, on n’arrive plus à jouer !”
Mon autre fierté a été de faire rentrer le théâtre dans le fond de soutien.

 

Quelques mots sur la création Pas de Nounou pour Thoutmosis.
Avoir un théâtre, c’est bien. S’en servir, c’est mieux ! (rires) Il s’agit d’une comédie policière déjantée et pas du tout réaliste, écrite par Bruno Lugan. Le pitch ? C’est une histoire compliquée ! (rires)

Quelle est la principale leçon que vous avez reçue de ce métier ? 
Que tout seul, c’est plus chiant que quand on est à plusieurs ! C’est évident.
Par exemple, Sotha m’avait écrit un one-man-show.- elle m’avait fait un sale coup, elle m’avait donné le texte 3 semaines avant la première. Quand on est seul en scène, c’est terrible et le plaisir est moins intense que quand on est en troupe. Quand j’ai des partenaires, j’aime bien les embêter, faire des blagues chaque soir.

Pas de nounou pour Thoutmosis
comédie policière de Bruno Lugan

mise en scène : Philippe Manesse

Avec : Philippe Manesse, Patrice Minet, Laurie Marzougui, Laeititia Vercken, Carole Massana et Christine Anglio

le lundi et mardi à 20h
et du vendredi au dimanche à 19h

 

Café de la Gare
41, rue du Temple
75004 PARIS

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