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La nuit a dévoré le monde : sublime et silence

Avec La nuit a dévoré le monde, le réalisateur Dominique Rocher nous embarque dans une épopée solitaire, « le journal intime d’un naufragé » comme il aime à le décrire.
Sam, un jeune homme artiste et mystérieux, se réveille seul dans un grand appartement.
Adaptation du livre de Martin Page, le film est un vrai délice de fantastique, bien loin des excès d’hémoglobine made in USA.

Zombies, petits tracas et autres avantages

Un groupe de zombies, c’est salissant avec le sang qu’ils répandent mais ça règle un gros problème à Paris : le logement.
En faisant disparaître une grande partie des Parisiens.nes, les zombies permettent l’impensable : avoir l’appartement de ses rêves, à moindre frais.
Autre avantage, les distractions sont moins nombreuses, les possibilités de sortie quasi inexistantes, les zombies grattant à la porte. Pas d’autre choix qu’un recentrement sur soi et apprécier enfin la culture du DIY (do it yourself). Bien obligé de s’adapter à un monde extérieur quelque peu hostile.

La nuit a dévoré le monde

Une révélation nommée Anders Danielsen Lie

Et finalement c’est la vie de Sam. Il n’était visiblement pas doué pour la communication, l’échange avec l’autre. Se retrouvant tout seul, il doit chercher un sens à sa nouvelle vie. Il part à la découverte d’un immeuble entier qui lui est étranger, en fait son terrain de jeu. Les surprises ne manquent pas de piquant ou de poésie.
Mais la menace est toujours présente, les zombies rôdent et son voraces.
La performance du comédien danois Anders Danielsen Lie est assez bluffante. Son rôle est muet mais c’est tout son corps qui parle.

La nuit a dévoré le monde est un film surprenant qui nous fait renouer avec la culture du genre made in France.
C’est redécouvrir la ville, Paris calmée, Paris vidée de ses Parisiens, Paris sublimée.
Une belle pépite est aussi à trouver dans ce film : la comédienne Golshifteh Farahani.

La nuit a dévoré le monde

Martin Page à la Cinexpérience

Leçon d’un auteur adapté

Lors d’une avant-première, Martin Page a donné une leçon à tous les auteurs qui ont la chance que l’une de leur œuvre soit adaptée au cinéma :
«  L’important c’est l’appropriation. Il n’y a donc pas de trahison.
C’est pour ça que je ne comprends pas Stephen King qui s’est senti trahi avec Shining réalisé par Stanley Kubrick »
Pour l’auteur, le film a sa propre vie et chacun, chacune est libre de retrouver à l’œuvre d’origine, en l’occurrence le livre.

Bonus : la plupart des zombies sont des danseurs. Un chorégraphe a travaillé sur la gestuelle et les corps.
Avantage d’un film avec peu de dialogue et la présence d’un acteur bilingue : pouvoir tourner les scènes en anglais pour la version internationale !

La nuit a dévoré le monde

La nuit a dévoré le monde
un film de Dominique Rocher
Scénario, adaptation, dialogues : Guillaume Lemans, Jérémie Guez, Dominique Rocher
adapté du roman de Martin Page alias Pit Agarmen
avec : Anders Danielsen Lie, Goshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz

 

sortie en salle le 7 mars 2018 

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Miracle en Alabama @ Théâtre La Bruyère : remarquable & inattendue surprise

« Tout a ses merveilles, l’obscurité et le silence aussi ».
Cette citation d’Helen Keller sied parfaitement à son vécu. Avec Miracle en Alabama, nous sommes touchés par l’intense rencontre entre cette jeune fille sourde et muette, entourée d’un amour familial maladroit et une institutrice atypique, obstinée et avant-gardiste. Entre émotion, persévérance et sensibilité, nous assistons au Théâtre La Bruyère à l’éveil d’un nouveau sens pour Helen : celui de la vie.

Miracle en Alabama

Helen naît en Alabama peu après la guerre de sécession. À deux ans, elle fait une congestion cérébrale à la suite de laquelle elle perd la vue et l’ouïe. Désarmés, impuissants et avec un fond de culpabilité, ses parents la laissent vivre comme elle le désire, la transformant ainsi en enfant sauvage.

En effet, plus le temps passe, plus son rapport au monde devient conflictuel et empreint de colère. Bien qu’aimants, ses parents sont malhabiles et épuisés. Ils décident, en dernier recours avant l’internement, de faire appel à une éducatrice un peu particulière.

Lorsque Annie Sullivan observe le fonctionnement de cette famille soudée mais étouffante, elle ne tarde pas à trouver ce qu’il manque à Helen : être éduquée. Seulement, pour entrer en relation avec elle, il faut élaborer une nouvelle méthode d’apprentissage du langage.

Avec acharnement et ténacité, l’éducatrice communique sans relâche avec Helen, attendant le déclic par lequel tout avancera. La tâche est fastidieuse. Annie doit faire face aux réticences du père, à ses propres démons, à l’archaïsme d’une société en mutation mais également à ses doutes, ses limites.

Une dynamique haletante

Pendant plus d’une heure, nous entrons tour à tour dans la peau des différents protagonistes et nous sommes littéralement happés. Tout comme eux, nous sommes dans l’attente d’un miracle. Le jeu des comédiens est d’une justesse inouïe nous rendant chaque personnage attachant de par ses contradictions et son humanité…

Le plus de cette pièce est le mélange délicat entre l’histoire d’Helen, d’Annie, mais aussi des frasques familiales d’une famille américaine de la fin du 19ème siècle. De ce fait, le rire s’invite, apportant un équilibre parfait entre légèreté et émotion.

À l’issue de la représentation, nous retenons la force de l’amour, de la patience et de la persévérance mais surtout la rage de vivre animant des personnes par lesquelles tout est possible. 🙂

En somme, un beau et subtil moment de théâtre à ne surtout pas manquer !

by Jean-Philippe

Miracle en Alabama

Miracle en Alabama

De William Gibson
Adaptation et mise en scène : Pierre Val
Avec : Pierre Val, Valérie Alane, Stéphanie Hedin, Marie-Christine Robert, Julien Crampon et en alternance Lilah Mekki et Clara Brice

Jusqu’au 31 mars 2018

Du mardi au samedi à 21h
Matinée le samedi à 14h30

au Théâtre La Bruyère
5, Rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99

Représentations surtitrées les : 
17 mars à 14h30
22 mars à 21h
31 mars à 14h30

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Hostiles : rédemption dans les grands espaces #cinéma

Un western en 2018 : pari plutôt osé !
Alors Hostiles doit être un film plutôt osé, brut et novateur pour pouvoir séduire et conquérir les écrans et les spectateurs.

Avec Christian Bale dans le rôle principal et dans un film en costumes sur l’histoire, un peu honteuse, des USA, ça fait “badoum badoum” dans mon petit cœur de cinéphile.
Mais, malgré tout, trotte dans ma tête la phrase d’un prof de ciné à la fac : “Impitoyable est le film qui marque le crépuscule du western“…

Hostiles

États-Unis en 1892, à la frontière du Far West au Fort Berringer, le capitaine de cavalerie Joe Blocker (Christian Bale), ancien héros de guerre attend sa fin de carrière en ressassant le passé.
Jusqu’au jour où le Président Harrison émet un ordre spécial. Mourant, le chef indien Yellow Hawk (Wes Studi) des Cheyennes du Nord, prisonnier du fort, doit être escorté jusqu’à ses lointaines terres ancestrales afin qu’il puisse y passer ses derniers jours.
C’est le capitaine Blocker, qui a capturé le chef indien sept ans auparavant, qui est choisi pour diriger cette équipée à travers 1 500 km de plaines et de montagnes.
Dernière mission avant sa retraite.

Hostiles

Hostiles : un petit peu, en effet

Après la séquence d’introduction très violente et très brute, je me dis que le film va donner une nouvelle vision des rapports guerriers entre Amérindiens et Américains. Comme une pierre à l’édifice de l’Histoire.

Le premier dialogue entre Blocker et Wilks (Bill Camp) laisse transparaître de profondes blessures. Celles de militaires survivants façonnés par la souffrance, la violence et la mort. Celle de leurs amis et camarades. Mais aussi celle infligée à l’ennemi, les indiens décrits comme les pires barbares, que Blocker et Wilks sont capables de tuer avec la même sauvagerie qu’ils leurs reprochent.

Hostiles
Alors, oui la base est bien là pour mettre à plat l’un des plus grands massacres d’êtres humains, de jauger si les tords sont unilatéraux ou partagés…

En fait non, j’ai vu trop grand.
Ce film est simplement une histoire d’hommes, de rédemption avant la mort ou la retraite.
On suit (trop) facilement la convergence des deux ennemis d’antan Blocker et Yellow Hawk. Un rapprochement qui se conclue pour éviter une mort trop proche.
C’est sans oublier Rosalie Quaid (Rosamund Pike), secourue en chemin par Blocker, qui est le catalyseur de cette remise en question des deux hommes.

Hostiles

Un scénario trop simple…

… pour un film pourtant parfait sur tout le reste.
Les plans larges sont superbes, les costumes façonnent parfaitement les personnages et donnent de la véracité au contexte historique. Les acteurs sont justes. Et il faudra avoir l’oreille aiguisée pour saisir, en VOST, tous les dialogues souvent marmonnés avec des accents prononcés.
L’ajout d’échanges en langue cheyenne entre le capitaine Blocker et ses prisonniers renforce encore plus l’immersion historique.

Hostiles

Hostiles n’est pas un mauvais film

Son plus gros défaut : la structure du scénario. Elle est basique et cyclique.
Sans trop divulguer l’histoire, à chaque arrêt de la caravane, un élément bouleverse la progression. Et, au fur et à mesure de l’avancée du film, le futur des personnages se devine aisément. Aucune surprise dans la trame.

Pourtant, j’étais ravi de découvrir dans cette escorte autant de personnages secondaires, avec du potentiel scénaristique et empathique. J’aurais adoré connaitre plus de la vie des coéquipiers de Blocker.
Notamment celle du soldat Desjardin (Thimothée Chalamet nommé aux Oscars 2018 pour son rôle dans Call me by your name). Mais ce rôle est vite éclipsé sans savoir comment ni pourquoi ce soldat franco-américain se retrouve à combattre dans cette armée.

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De quoi faire un grand film

Car oui, toutes les bases sont réunies pour que Hostiles soit un très bon western : les images, les personnages,  les costumes et l’interprétation.
Mais les facilités scénaristiques réduisent donc ce film une histoire basique de rédemption, pas inintéressante et qui traine un peu trop en longueur.

Alors peut-être que Philippe Ortoli, mon prof de fac n’avait pas tout à fait  tort…

Hostiles

Hostiles

Un film de Scott Cooper
Scénario :
Scott Cooper et Donald E. Stewart

Avec : Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi, Bill Camp, Jonathan Majors, Timothée Chalamet, John Benjamin Hickey, Stephen Lang

Sortie en salle le 14 mars 2018

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Les bijoux de pacotille : tendre regard intérieur sur l’enfance

Quel enfant n’a jamais entendu de la part de ses parents : « Comment feras-tu lorsque nous ne serons plus là ? » Céline Milliat Baumgartner le découvre à l’âge de 9 ans. Dans Les bijoux de pacotille, au Théâtre du Rond-Point, elle part à la (re)découverte d’une jeunesse trop tôt envolée. Ainsi, en ouvrant avec douceur et élégance la porte d’une enfance faite de souvenirs disparus, fantasmés ou inventés, cette œuvre universelle vient délicatement frapper à la nôtre…

Après avoir épuisé un adolescent novice, la jeune et espiègle Céline rejoint paisiblement le pays des songes. Il faut dire qu’elle a l’habitude des baby-sitters avec un père souvent absent pour le travail et une mère actrice. Sauf que le lendemain matin, à son réveil, ils ne sont toujours pas rentrés et elle s’interroge…

les bijoux de pacotilleArrive alors son grand-père, lui donnant des bijoux de pacotille appartenant à sa mère. Ce sont les seuls rescapés d’un tragique accident. Débute ainsi pour la jeune fille une nouvelle vie d’enfant sans parent…

En s’apprêtant à devenir maman à son tour, Céline Milliat Baumgartner ressent le besoin d’écrire afin d’affronter les manques, absences et incertitudes de son passé. Enfin, ce beau travail de réparation la mènera à s’interroger sur la façon dont chaque individu se sert de ses souvenirs, de sa mémoire et de ses fantômes afin d’en dégager le terreau rêvé de sa vie d’adulte.

les bijoux de pacotille

Sur scène se dévoilent des photographies anciennes, des films Super 8, un rapport de police, de subtils tours de magie, un surprenant miroir ou des pointes virevoltantes sur le Lac des Cygnes… Accompagnés de plus d’une mise en scène aérienne et intime de Pauline Bureau, nous sommes saisis par l’univers sensible de la narratrice et ce qu’elle génère au plus profond de nous-mêmes.

Au final, c’est là toute la profondeur de cette pièce : un doux et imprévisible partage…

P.S : la scène où Céline Milliat Baumgartner s’enivre et s’enlace grâce à l’intensité d’un souvenir olfactif est d’une rare beauté…

by Jean-Philippe

Les bijoux de pacotille

Les bijoux de pacotille

De et avec : Céline Milliat-Baumgartner
Mise en scène : Pauline Bureau

du 6 au 31 mars 2018

du mardi au samedi à 20h30
dimanche à 15h30

Au  Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklyn D. Roosevelt
75008 Paris

et au Théâtre de Chelles, le 6 avril

Le livre Les bijoux de pacotille
(Éditions Arléa)

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Douce-Amère aux Bouffes Parisiens : une partition incroyable

Avec Douce-Amère, Michel Fau, passionné de textes oubliés, nous révèle une facette surprenante de Jean Poiret. Dans les années 70, l’auteur a croqué avec une justesse folle les réalités du couple, de l’amour et a saisi les contours d’une femme libre. Une pièce audacieuse, captivante et intelligente qui nous renvoie à nos propres questionnements intimes. 

Philippe a la clairvoyance d’observer que son couple est malade, proche de la fin. Il se rend vite compte aussi que Michel, son invité, est son « antidote » parfait pour que son épouse se détourne de lui. Mais il souhaite garder le contrôle et ne pas être totalement dessaisi de sa vie conjugale. Ainsi, il s’intéresse aux hommes de la constellation de sa femme.

Un texte d’une folle modernité

Le constat est saisissant :  les dialogues sont d’une intelligence, d’une finesse qui emporte. Cette histoire de couple nous révèle à notre propre vécu. Car oui, il faut avoir connu l’amour pour vibrer à l’unisson de ces personnages. Leur questionnement a été le nôtre ou le sera.
Écrite en 1970, ce texte corrosif à l’époque à l’humour un poil acide, résonne encore avec modernité aujourd’hui.

Comment éviter, une fois séparés, de se cogner au souvenir de lieux et décors que nous avons fréquenté avec notre ex ?
Dans quelle mesure effacer les traces de l’autre dans nos habitudes, notre nouvelle relation ?
Et quid de la vitale nécessite d’enchaîner sur un autre amour ou de succomber à sa pleine liberté ?

Le décor inspiré par le désigner Pierre Paulin, les costumes colorés, barrés, aux coupes improbables plantent le cadre de jeu so 70’s.
Mélanie Doutey est belle, vibrante, exaltée, irraisonnable face à un Michel Fau qui en impose en assurance, bons mots et cynisme.
Quant aux prétendants, ils composent à eux trois l’image de l’homme parfait. Michel (Christophe Paou) est cultivé, classe et raisonné, Stéphane (David Kammenos) un baroudeur aux cheveux ras, brut de forme et aventureux. Et Gilles (Rémy Laquittant) un petit oiseau tombé du nid, musclé et imberbe, peau parfaite, personnalité à façonner.

Douce-Amère, “une pièce imprévisible”
Lors de notre rencontre d’après représentation, Michel Fau nous a confié sa passion pour Jean Poiret et pour cette pièce à “l’écriture très sophistiquée et à la forme particulière. Il apprécie “ce qu’elle dit des différents fantasmes : charnel, platonique, virtuel… Les sentiments humains n’ont pas changé, à la différence des codes.”
Il ajoute au sujet du choix de remonter cette œuvre sortie de l’oubli : “Je n’aime pas les textes qui donnent des leçons. J’aime l’ambiguïté. C’est une pièce qui a des mystères.”
La complicité qu’il a avec son interprète, Mélanie Doutey est évidente. Il lui a offert un rôle en or : “ce qui est beau, c’est qu’Élisabeth est aussi fascinante qu’agaçante !

Et au sujet de sa nécessité de mettre en scène et jouer, Michel Fau a la parole sage : “Je suis un chef d’orchestre et c’est important que le metteur en scène soit sur le plateau. Certains metteurs en scène deviennent paranoïaques quand ils ne jouent pas, car ils finissent par se sentir extérieur à tout ce qui se passe sur le plateau.
Mes angoisses de metteur en scène sont calmées quand je monte sur scène. Et mon ego d’acteur est remis à sa place.”

BONUS : Michel Fau garde en continu un œil sur ses partenaires. Et il fait donc des notes, qu’il dépose en loges, après les représentations pour que les comédiens restent dans la vérité et la justesse de leur jeu et personnage. Classe ! 

Douce Amère

Douce-Amère
de Jean POIRET
mise en scène Michel FAU
avec Mélanie DOUTEY, Michel FAU, David KAMMENOS, Christophe PAOU, Rémy LAQUITTANT

jusqu’au 22 avril 2018

de mardi au samedi à 21h
en matinées le samedi à 16h30 et le dimanche à 15h

Bouffes Parisiens
4 Rue Monsigny
75002 Paris
Tel. 01 42 96 92 42

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Don’t Worry de Gus Van Sant : vibrant et profondément juste

Avec Don’t Worry, He won’t get far on foot, Gus Van Sant offre le portrait d’un personnage insensé : John Callahan.
Ce dessinateur américain a trouvé la pleine inspiration après un tragique accident de voiture, causé par un penchant pour l’alcool démesuré.
Une histoire lumineuse et pas du tout larmoyante, portée par Joaquin Phoenix.

Gus Van Sant
Gus Van Sant à l’avant-première parisienne

« Si tu n’es pas sensible, tu n’es pas sublime » Voltaire

L’histoire d’un dessinateur tétraplégique, fonçant avec son fauteuil roulant dans les rues de Portland, alcoolique et qui vit avec une souris ? Oui, sur le papier ce n’est pas le scénario de rêve ! On serait plus tenté par un Marvel, même moyen, pour nous faire oublier notre quotidien.

Pourtant, le film de Gus Van Sant exerce une fascinante attraction continue sur le spectateur, encore faut-il qu’il soit un minimum doué de sensibilité.

John est un mec qui a eu sa bonne dose de loose et pourtant il est loin de céder à la déprime. Il en a fait même une force et s’est révélé doué pour le dessin et l’humour corrosif.

Don t worry

Joaquin, John et les autres

Joaquin, en vrai caméléon de cinéma, se retrouve cette fois cloué dans un fauteuil. Est-ce que le film devient pesant pour autant ? Pas du tout, on s’amuse de ses emmerdes, on s’intéresse à ses errements, on se passionne pour ses nouvelles rencontres.
Et bonheur, il ne pleure pas toutes les 5 minutes et surtout quand il commence à se plaindre, un groupe d’incorruptibles est là pour lui rappeler l’essentiel.

Aux côté de Joachim, Jonah Hill est absolument insensé en gourou oisif, à la tête d’un petit cercle d’addicts à l’alcool repentis. Sa blondeur est presque indécente, sa répartie parfois agaçante mais il nous amuse et nous émeut.
Scène culte : quand il dense en mini-short dans son appart.

Jack Black a l’occasion de montrer de belle facette de son jeu. On ne le croyait pas capable de retenue. Il est excellent !

Et surprise : Beth Ditto en guest, avec grosses lunettes, le plus souvent avachie dans un fauteuil et sans artifice.
Une apparition assez incroyable qui mérite un total respect.

Don’t worry rend modeste, nos petits tracas se prennent vite un mur quand on découvre la capacité inouïe de John de palier à son handicap.

Don t worry

Don’t worry, He won’t get far on foot 
de Gus Van Sant
avec Joaquin Phoenix, Jonah Hill, Rooney Mara, Jack Black, Beth Ditto

Sortie le 4 avril 2018

Film présenté au festival de Sundance 2018 et à la Berlinale 2018

Bonus : le film sort en exclu mondiale en France. Les Américains devront attendre un mois.

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Les Inséparables @ Théâtre Hébertot : généalogie des sentiments

Les apparences sont trompeuses, aussi bien dans la vie qu’au théâtre. Nous n’attendions pas grand-chose de cette pièce, Les Inséparables, exceptée l’excitation de retrouver nos deux chouchous Valérie Karsenti et Thierry Frémont sur scène. Nous avons été happés par le double rôle de Didier Bourdon et cette histoire qui touche au cœur.

Deux hommes entrent dans un atelier d’artiste à la large verrière pour faire entrer la lumière. Ils attentent un troisième homme, sujet de leur conversation. Il est question d’un artiste mondialement connu : Gabriel Orsini (Didier Bourdon), de l’héritage de cet appartement et de son manque d’inspiration depuis 3 ans.
Arrive un homme aigri, peu affable et cassant vis-à-vis de son fils et de son galeriste.

Les Inséparables
photo © Bernard Richebé

Le décor tournoie et offre une nouvelle histoire. Celle d’un banquier amoureux d’une peintre russe. La vie de bohème en plein Paris.
La vraie trouvaille de cette mise en scène est le décor, qui en pivotant, permet de changer d’époque.

Très vite, on s’attache à ces personnages qui ont tous des fêlures, des contradictions. On se prend à sourire face à ce banquier attentionné, à cette peintre pas si légère que cela et à ce peintre qui se révèle à nouveau à lui-même.

Les Inséparables
photo © Bernard Richebé

Didier Bourdon surprend par son jeu et sa capacité à changer de rôle tout au long de la soirée, jusque dans l’émotion.
Valérie Karsenti est divine en artiste espiègle et provocante.
Thierry Frémont touche aussi. Le cynisme de son personnage cachant une instabilité affective.

Les Inséparables

Les Inséparables est une pièce sur l’amour, la filiation, l’attachement, la mémoire.
Elle parle aussi des non-dits familiaux qui peuvent malmener les relations.

Quelques larmes couleront sans doute sur les joues d’hommes et de femmes sensibles, comme nous. Sans doute aussi, vous penserez à votre propre histoire et à la nécessité de vivre intensément chaque jour.

Les Inséparables

Les Inséparables

Une pièce de Stephan Archinard et François Prévôt-Leygonie
Adaptation et mise en scène Ladislas Chollat
Avec Didier Bourdon, Valérie Karsenti, Thierry Frémont, Pierre-Yves Bon, Élise Diamant

Du mercredi au samedi à 21h
Samedi à 16h30
et dimanche à 16h

au Théâtre Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles
75017 Paris

Tel. 01 43 87 23 23

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Formidable ! L’art et la singulière manière de WALTER

Après Belge et méchant, on avait très envie de revoir Walter sur scène.
Formidable ! n’est pas un cri du cœur, c’est le titre du dernier spectacle de l’humoriste qu’il va reprendre au Petit Palais des Glaces à partir du 20 septembre, avant de voir un peu plus grand. 

Nous voilà partis à la rencontre de l’ami du Nord.
Salle comble pour le show, un soir de Saint-Valentin ! Certains couples vont grincer des dents…
Il arrive en fanfare sur scène. Et la première réaction est : c’est quoi cette moustache ? On aimerait bien le tacler sur ce détail physique, mais il ne nous en laissera pas le temps.
En tout cas, il porte fier chemise et gilet.

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Un spectacle irrévérencieux

Oui, il ne faut pas s’attendre à un humour polissé ou politiquement correct. Même si Walter met des guillemets ou les formes pour atténuer certaines vannes qui pourraient ne plus être dans l’air du temps, on rit sans complexe.
C’est pour cela que l’on vient voir des humoristes sur scène.

Il en rajoute sur les clichés belges. Lui qui avoue avoir gommé son accent pour (baiser) séduire plus facilement. Il attaque tous les sujets de manière frontale, sans détour ni filtre.
L’Europe (oui c’est pas glamour), les nouveaux rapports homme/femme, les vieux, les Chinois, les noirs, le couple, notre bonne conscience…
Et lui aussi, via nos travers. Ça dézingue à tout va.
Parfois, on sent la salle Point Virgule avoir le rire à fleur de peau.

Mais Walter a du talent pour vanter les mérites d’être homo, interpréter un ado contrarié alors que cette génération n’a aucune raison de se plaindre. Au passage, il balance sur l’icône Coluche et convoque sa mère pour une séquence trash à souhait.

Walter

Un peu plus critique

On ne va pas cacher que certaines vannes ont déjà entendues.
Mais Walter a un tel brio pour les détourner qu’elles passent à merveille. Son phrasé, sa façon de casser le rythme de la syntaxe font le reste. On est toujours surpris.

Est-ce que le label “humour made in Belgique” offre un supplément d’indulgence face à certaines belles horreurs qu’il nous sort ?

A vous de vous trouver la réponse. En bonus, vous apprendrez quelques mots d’argot belge. Que signifie “clinche” ? La réponse est dans Formidable !

En attendant, on n’a toujours pas la réponse pour cette moustache…

Walter

Formidable !

de Walter
spectacle écrit par Walter et Étienne de Balasy 

du 20 septembre au 29 décembre 2018
(relâche le 24 novembre)

au Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 PARIS
tel. 01 42 02 27 17

Page FB officielle : Walter.officiel

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Papa va bientôt rentrer au Théâtre de Paris : une réussite

Papa va bientôt rentrer à l’affiche du Théâtre de Paris surprend avec brio. L’on s’attendait à une comédie pure mais le fond de guerre du Vietnam frappant à la porte va bouleverser autant cette modeste maison sur scène que les spectateurs dans la salle.
Lysiane Meis, Marie-Julie Baup et Benoit Moret nous enchantent littéralement.

Papa va bientot rentrer Jean Franco, l’auteur de Papa va bientôt rentrer, est parti d’un sujet sur les papas plats (flat daddys). Ces reproductions cartonnées de papas militaires américains partis en guerre et qui laissent leur avatar à leur famille pour calmer l’absence qu’ils causent.
C’est drôle mais aussi complément aberrant et malheureusement ça a été une réalité pour nombre de familles dans les années 80, lors de la guerre d’Afghanistan.

Transposée en 1967, en pleine guerre du Vietnam, l’histoire prend tout son sens sur la légitimité de ce conflit, les conséquences de la séparation géographique et la vie singulière de ces femmes de militaires.

Mia et Suzan sont deux voisines à la personnalité diamétralement opposées. «  Ce qui m’a touché dans cette pièce c’est le fait que ces personnages qui auraient pu ne jamais se rencontrer, ont besoin de se retrouver et de se serrer les coudes. ” confie la comédienne Lysiane Meis après la représentation.
Ce deux femmes apprécient l’équilibre précaire de la conversation plusieurs fois par jour pour des petits riens, cédant aussi aux commérages, pour masquer l’absence.

Arrive un déserteur. Sa présence vient rappeler à Mia son engagement passé, ses blessures et le choix qu’elle fait.

Papa va bientot rentrer

Leçon de mise en scène de José Paul 

José Paul a partagé avec nous ses techniques de mise en scène.
Il travaille sur la pièce deux à trois mois avant les répétitions : “les acteurs ont besoin d’avoir quelqu’un qui sache tout avant !
José Paul souhaite qu’ils connaissent leur texte pour répéter dans les meilleures conditions. “J’aime travailler sur le long terme, les répétitions durent 2-3 mois.
Parce qu’il joue aussi : “je sais quand un acteur est heureux ou malheureux en répétition.

Le décor : “tout ce qui est sur le plateau est américain !” Son assistante a profité d’un voyage aux States pour chiner et rapporter des accessoires d’époque, années 60. Ouvrez donc l’œil sur les détails.

Enfin, il a eu l’occasion de lancer une belle réplique à un comédien qui souhaitait insuffler quelques changements dans son jeu, sur une précédente production : “Celui qui a raison est dans la salle !
#classe

Papa va bientôt rentrer est une pièce drôle, touchante et intelligente. Une histoire de liberté, de courage et d’amour. Un vrai beau moment de théâtre.

Bonus : Lysiane Meis avoue préférer ne pas savoir qui est présent dans la salle, journalistes comme amis avant d’entrer sur scène.
Manque de chance, ce jeudi soir, elle a vite identifié le rire d’un de ses partenaires de jeu, dans la salle : Sébastien Castro.

Papa va bientôt rentrer

Papa va bientôt rentrer
une pièce de Jean Franco
collaboration à l’écriture Jean-Yves Roan
mise en scène : José Paul 

avec Lysiane Meis, Marie-Julie Baup, Benoît Moret

du mardi au samedi à 21h
matinée le samedi à 17h
matinée le dimanche à 15h

au Théâtre de Paris
15 rue Blanche
75009 PARIS
tél. 01 42 80 01 81

BON PLAN : réservez vos places directement sur le site du Théâtre de Paris pour bénéficier d’un tarif spécial jusqu’au 4 mars.

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C’était quand la dernière fois ? – un duo vraiment mortel

A quelques jours de Saint-Valentin, C’était quand la dernière fois ? propose un scénario surprise imparable pour pimenter sa relation conjugale. Virginie Hocq et Zinedine Soualem campent à merveille un couple fatigué, blotti dans ses habitudes qu’une simple annonce va totalement rebooster.
Le Théâtre Tristan Bernard est le cadre d’une délicieuse séparation, drôle, dynamique et pimentée.

C etait quand la dernière fois
photo de Fabienne Rappeneau

Séparation originale et palpitante

C’était quand la dernière fois ? est l’histoire d’un couple qui se prépare à la séparation, qui se sépare mais de manière insolite, inédite voire inspirante pour certains mauvais esprits.
C’est Madame qui a lancé les hostilités en version du poison dans le dîner de son mari.
Alors que le poisson fait effet, Zinedine Soualem se débat comme il peut. Il est combatif et digne, touchant quand le mal l’atteint.
Cet empoisonnement (pas tout à fait indolore) est l’occasion de revenir sur quelques souvenirs, quelques moments ratés aussi pour le couple qui s’est laissé bercer par un confort et des certitudes.

c etait quand la derniere fois

Rôle sur mesure

En sortant du théâtre, on se demande qui d’autre que Virginie Hocq aurait pu interpréter cette bourgeoise à collier de perles capable des plus belles montagnes russes.
En effet, elle passe en un éclair de la complicité à la femme tranchante comme une guillotine, de l’espièglerie au doux sentiment de fatalisme.
Annoncer avec un tel aplomb à son mari qu’on l’a empoisonné tout en faisant le ménage – car oui, madame est maladivement maniaque – est quasi exemplaire.
On aime Virginie Hocq dansante, virevoltante avec sa longue robe rouge, provocante et volontaire pour un dernier élan et diablement manipulatrice.

C’était quand la dernière fois ? est une comédie piquante, délurée et efficace.
Elle fait aussi bien rire que réfléchir. Une pièce qui donnera envie certainement à des couples de redynamiser leurs sentiments avant qu’il ne soit trop tard.

C était quand la dernière fois

C’était quand la dernière fois ?

une pièce d’Emmanuel Robert-Espalieu
mise en scène : Johanna Boyé
avec Virginie Hocq et Zinedine Soualem

du mardi au samedi à 21h
matinée le samedi à 16h

au Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 PARIS
Tél : 01 45 22 08 40

BONUS : Chincilla, une autre pièce de l’auteur Emmanuel Robert-Espalieu se joue aux Feux de la Rampe à Paris, actuellement.

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