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L’être ou pas : Pierre Arditi et Daniel Russo s’interrogent avec humour sur l’identité juive au Théâtre Antoine

 L’être ou pas, au Théâtre Antoine à partir du 3 novembre 2015, dresse un véritable inventaire à la Prévert de ce qui constitue le judaïsme, ou plus précisément la judaïcité. Accrochez-vous, le programme est vaste !

Habitué aux réflexions sur l’identité juive, Jean-Claude Grumbert, s’interroge cette fois-ci sur la façon dont un type lambda, étranger à cette religion, aborderait la judaïcité. Poussé par son épouse accroc aux recherches sur Internet, l’homme va demander l’expertise de son voisin juif pour éclairer leur lanterne. Pas de bol, car si le voisin est bien juif, il est surtout athée ! La pièce, portée par Pierre Arditi et Daniel Russo, est constituée de scénettes où tout y passe. Des sujets les plus anodins (manger ou non du porc, faire shabbat, se couvrir la tête) aux situations les plus épineuses (les territoires occupés, l’antisémitisme, Auschwitz).

Photo by Pascal Victor
Photo by Pascal Victor

Une formule qui marche

Le duo fonctionne et pourtant, rien d’original là-dedans. Pierre Arditi joue le rôle qu’on lui connaît depuis vingt ans, détaché, un brun désabusé et souvent cynique. Quant à Daniel Russo, là encore, rien de très novateur. Il entre dans la peau du gars sympa et naïf, à la limite de la bêtise. Énervant mais attachant. C’est vu et revu et pourtant quand les lumières se rallument, on réclamerait bien un petit quart d’heure de rab’.

On s’imagine aisément être dans leur cage d’escalier et participer à la conversation. Jean-Claude Grumbert ne change pas son style d’un iota. Il joue sur les mots et utilise grammaire et doubles sens pour renforcer les effets comiques. C’est intelligent, cynique et spirituel ! Quelques notions sur la culture juive sont toutefois souhaitables pour apprécier les sous-entendus tout en finesse du texte.

Côté mise en scène, la sobriété des acteurs et les jolies lumières tamisées sauvent un décor minimaliste et peu crédible. Mais là, c’est vraiment pour être pointilleux. Bien entendu, il faudra se passer d’une définition claire de ce qui fait qu’un juif est juif. Soyons sérieux, on ne pouvait pas espérer résumer près de 3 000 ans de culture et d’histoire en une heure.

L’être ou pas

pièce de Jean-Claude Grumbert
mise en scène : Charles Tordjman
avec Pierre Arditi et Daniel Russo

Du mardi au vendredi à 19h
Succès : reprise le 3 novembre 2015 pour 30 représentations exceptionnelles !

Théâtre Antoine
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris

By Joël Clergiot

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LES STARS : Balutin – Prévost, deux cabots au Théâtre Saint-Georges

“Quels cabots !” Ce sont les premiers mots qui viennent en tête à la sortie du Théâtre Saint Georges, après avoir assisté à ce duo de stars. Les comédiens et les personnages se confondent au bout du compte, en fin de soirée. Daniel Prévost est égal à lui-même, joueur, gueulard, provoc. On croirait le rôle de cette pièce créée à Broadway en 1972 écrit pour lui. Troublant.

SAMSUNG CSC
On avoue. Même si l’affiche est alléchante, nous avions quelques appréhensions avant de voir Les Stars au Théâtre Saint-Georges. Ce n’est pas que Jacques Balutin et Daniel Prévost soient de mauvais acteurs, mais leur connotation boulevard pouvait donner à cette pièce, à priori, une petite touche désuète. Nous n’avons pas boudé notre plaisir.

Deux artistes du spectacle comique, brouillés depuis 11 ans sont contraints de reformer leur duo pour une soirée hommage aux grands humoristes diffusé sur une grande chaine de télé américaine. Ceci avec l’entremise du neveu de l’un deux (Benjamin Boyer), agent de son oncle.
Ce duo composé de Willy Clark (Daniel Prévost) et Ted Lewis (Jacques Balutin) doit passer outre ses inimitiés et les désillusions d’antan pour être prêt le jour J.
Une gageure considérant l’antipathie qui les dévore.

Le Théâtre Saint-Georges accueille donc deux maîtres  du boulevard. Avec cette pièce écrite par Neil Simon originalement intitulée The Sunshine Boys,  on assiste au duel acharné et bouillonnant de deux cabots que sont Balutin et Prévost. Aucune surprise dans le rôle pour ce dernier, aigri et revanchard à souhait, mais on constate une maîtrise plus forte du flegme du grand Jacques.

Certes la pièce n’est pas d’une grande inventivité, mais elle va droit au but : les échanges et saillies s’enchainent avec aisance. Tout y passe : ressentiments, différents l’un envers l’autre, mais aussi une admiration réciproque qui n’avait jamais été avouée lors de leur période faste et leur séparation imprévue et subite.

SAMSUNG CSC
On sourit et jubile à voir Daniel Prévost se débattre dans sa solitude, abandonné du monde du showbiz et tentant de resté digne.
On savoure la droiture de Jacques Balutin qui a survécu à l’épreuve du temps et  à la rupture de ce couple comique.
On regrette le rôle très succinct de l’infirmière (Bérangère Gallot), qui n’a qu’une dizaine de minutes sur scène et apporte une présence vivifiante.

Certains diront que c’est une affiche de spectacle pour les plus de 50 ans, mais voir ces deux acteurs mythiques sur la scène du Saint-Georges, comme on pourrait aller voir Galabru, reste une expérience du théâtre.
Vous sortirez avec la patate, et le sourire.
Un bon remède à la morosité ambiante !

Les stars Théâtre Saint Georges Jacques Balutin Daniel Prevost affiche Neil Simon The Sunshine Boys critique avis humour

Les stars

Pièce de Neil Simon
Mise en scène et adaptation : Pierre Laville
Avec : Jacques Balutin, Benjamin BoyerBérangère Gallot, Daniel Prévost

jusqu’au 30 avril 2015
du mercredi au vendredi à 20h30
les samedis à 17h et 20h30, les dimanches à 16h

Théâtre Saint-Georges
51 rue Saint-Georges
75009 PARIS

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Même pas vrai ! au Théâtre Saint Georges : écriture efficace & humour décapant

Après une première rencontre avec la troupe de Même pas vrai ! en novembre dernier au Théâtre Saint-Georges, nous étions impatients de prendre place devant cette joyeuse bande. Après deux mois passés au Théâtre de la Tête d’or à Lyon, et l’été dernier au Festival d’Avignon, il était presque sûr que nous allions assister à un spectacle déjà bien rôdé.

Difficile de résumer cette pièce à tiroirs sans en dévoiler un rebondissement ou ébruiter un élément charnière de l’histoire. Tentons pourtant un pitch des premières minutes de l’histoire. Ça commencerait par une famille de doux dingues composée d’Arnaud, Mathilde et de leur fils Mikaël. Ces trois-là ont la fâcheuse tendance à régler leurs affaires de famille au cours de soirées auxquelles ils aiment convier leurs amis Irène et Bernard. Le tout en mentant et s’inventant des histoires et créant des personnages. Marie, la nouvelle copine un peu trop collante de Bernard, va être la première victime des piques et attaques verbales plutôt acides de cette bande d’excités du bon mot.  La soirée va tourner très vite à l’aigre et faire remonter, involontairement et au désespoir de tous, les non-dits et les différents secrets dissimulés par les uns et les autres.

Dans cette pièce écrite au cordeau, chaque personnage évolue dans un registre qui lui est propre et de manière complémentaire vis-à-vis de ses partenaires. Mathilde, la mère, joue de son humour cinglant pour se créer une armure contre le temps qui passe, en écorchant parfois les autres. Arnaud, le père, veut sortir du mode de communication plutôt stérile dans lequel sa famille s’est enfermée sans y parvenir. Mikaël fuit ses parents qui tente de percer ce qu’il cache. Irène essaye, elle, de remettre cette famille sur les rails. Bernard profite du couple pour cacher ses propres travers. Et Marie tient le rôle de la conne de la soirée.

L’histoire est servie par une mise en scène millimétrée. Jean-Luc Revol, qui avait oeuvré sur Une Souris Verte et Le Cabaret des hommes perdus, tire le meilleur du texte et de sa troupe d’acteurs. Haletante, la mise en scène permet à chacun des protagonistes d’être mis en avant. Les décors de Stéphanie Jarre ne sont pas en reste, permettant de démultiplier l’espace avec une belle ingéniosité.

La troupe se révèle vraiment parfaite sur scène. Chaque acteur peut s’épanouir dans son rôle, avoir son moment fort dans l’histoire. Nous ne cacherons pas que nous découvrons Bruno Madinier (Arnaud) dans un registre qui nous était inconnu jusqu’alors. Il déploie une belle énergie sur scène, jouant le mari toujours très amoureux de sa femme mais qui ne sait plus comment se sortir de cette situation en déliquescence  Surprenant aussi en mangeur de yaourt, il nous offre une séquence d’une drôlerie assumée. Anne Bouvier (Marie) est idéale dans le rôle de la bourgeoise qui débarque dans ce dîner chausse-trappe. Christophe Guybet (Bernard) et Valérie Zaccomer (Irène) se renvoient la balle à merveille dans leur rôle d’amis et pilier de cette famille peu commune. Ces deux acteurs sont épatants au moment où les nerfs lâchent et se retrouvent en pleine crise.

Même si tous les acteurs tiennent le haut du pavé, Raphaëline Goupilleau (Mathilde) et Thomas Maurion (Mikaël) emportent le Saint-Graal de l’humour.
Peut-être est-ce dû à leur rôle. Mais Raphaëline Goupilleau est merveilleuse de drôlerie dans les saillies et garde une énergie particulière du début à la fin de la pièce, révélant avec finesse les fêlures de son personnage. Quant à Thomas Maurion, il est très juste dans les ruptures d’attitudes que lui confère son rôle de post-ado : passant du dépit à la connivence nécessaire pour entrer dans le jeu de mensonges de ses parents en un clin d’oeil, parents qui ne le ménagent à aucun moment.

Surtout, il faut souligner un écriture particulièrement moderne et en parfaite résonance avec les styles actuels. La fulgurence des répliques oscillent entre humour noir et humour vache. Les petites phrases fusent. Les bons mots se percutent. Les auteurs, Nicolas Poiret et Sébastien Blanc, nous prennent souvent au dépourvu, sont parfois cruels comme cette réplique de Mathilde à Mikaël “J’ai pas passé 12 heures à subir des contractions pour que tu me parles sur ce ton-là“. Ou encore au moment de la soirée avec Marie : ” – Vous Voulez boire quelque chose ?Je prendrais bien un Martini Si vous voulez. Mais les alcools sont payants“.

Des répliques tordantes, il y en a beaucoup d’autres, dont certaines sont féroces. Leur fréquence est tellement intense qu’il est certainement impossible de les retenir toutes. Chapeau bas à Nicolas Poiret et Sébastien Blanc pour cette écriture surprenante et pleine de peps, déroutante un peu au début mais qui mène toujours aux rires, et aussi à l’émotion. Il est rare de rencontrer cette qualité d’écriture dans les nouvelles productions actuellement, c’est pour cela que nous souhaitons la célébrer ici.

MÊME PAS VRAI !

Du mardi au samedi à 20h30
matinée le samedi à 17h

au Théâtre Saint-Georges
51 Rue Saint-Georges
75009 Paris

De : Nicolas Poiret, Sébastien Blanc
Mise en scène : Jean-Luc Revol
Avec Anne Bouvier, Raphaëline Goupilleau, Christophe Guybet,Bruno Madinier, Thomas Maurion, Valérie Zaccomer
Décors : Stéfanie Jarre

 

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