Avbe

AVBE : un premier EP “Dawn” musicalement abouti – #Interview

AVBE (prononcé aube), Raphaël Olivier, c’est un beau gosse qui vient de sortir un EP : Dawn.
On pourrait s’arrêter à son physique et ses yeux bleus qui rappellent le lac Michigan qui enserre Chicago, sa ville de cœur et de vie.
Mais non ! AVBE ce n’est pas que cette façade. Ce sont des choix musicaux assumés, une passion pour la musique qu’il transmet. Passion qui rythme sa vie depuis ses 3 ans, dans une famille qui se consacre à la musique.

Son titre Where I go nous a conquis à la première écoute. Et les six autres titres de son EP Dawn ( et ceux disponibles sur Youtube) sont tout aussi créatifs et accrocheurs.

Alors, on n’allait pas se priver de passer un moment en tête à tête à discuter musique avec lui. Une rencontre en mode terrasse chauffée, avant son retour outre-Atlantique.
Franchement, on a kiffé ce moment d’échange !

Avbe
Selfie interview pour USofParis

USofParis : Pourquoi avoir choisit Chicago ?
Avbe : C’était un peu un concours de circonstances. En fait j’ai bougé là-bas quand j’avais 15 ans. J’allais aller à New-York comme plein de Français qui bougent à l’étranger. Et en fait moi et ma mère, qui est musicienne aussi, on a eu cette occasion de partir là-bas à ce moment-là. En plus c’était les années lycée, les années où tu te constitues beaucoup. J’ai vraiment eu un coup de cœur avec cette ville, un truc identitaire. C’est marrant parce que j’ai passé un peu de temps à Los Angeles et quand je suis retourné dans cette ville, je me suis dit « C’est Chicago, il n’y a plus de question ! ».
À la base on voulait faire une année blanche, et cette année s’est transformée en trois ans. C’est vraiment un choix qu’on a fait tous les deux.
Tu connais cette ville ?

Oui, j’y suis déjà allé il y a quelques années. J’avais enchainé après une visite à New-York. C’est une ville qui a une âme particulière.
C’est un peu plus ancré que New-York. Los Angeles c’est l’entertainment, l’industrie.
Chicago est la troisième plus grande ville américaine mais c’est la première vraie ville américaine. C’est la ville du Midwest, du milieu des États-Unis. Et pour avoir une expérience américaine, il me semble que c’est un très bon point de départ. Une ville magnifique qui évolue très bien. Mais elle se gentrifie énormément.
C’est l’énergie américaine qu’on connaît bien.

Chicago
Vue Chicago @ USofParis

Mais pour moi ça a été surtout des rencontres. Des jeunes comme moi qui ne se posaient pas la question de faire de la musique. Ça s’est fait organiquement, naturellement. Ça a été vraiment le point d’entrée.
J’ai débarqué là-bas, je parlais un anglais niveau collège. Et les trois premiers mois, j’ai écouté comment les gens parlent, parce qu’avant tout, c’est un truc social. C’est pas juste le verbe et la conjugaison. L’idée c’est : « qu’est-ce que tu dis à quel moment ? ». Je m’imprègne de ça et au bout d’un moment je deviens très américain…
J’adore le base-ball, le foot américain. Ma copine est folle de foot américain. Je me fais les matchs du PSG à 13h et après on se fait les matchs de foot américain.

Avbe

Du coup tu vis depuis tes 15 ans à Chicago ?
Oui depuis 2012, ça fait  8 ans.
Quand j’ai eu mon bac,  je suis revenu en France. Je me tâtais à aller à Princeton, mais j’ai eu l’opportunité de venir au CNSM de Paris. Et du coup j’ai fait trois années complètes en France. Et après est revenu cet appel des États-Unis .
J’y suis retourné de plus en plus. Et maintenant j’ai la carte verte, je suis résident là-bas, je repars dans 3 jours.

Malgré la situation sanitaire ?
Oui, mais à Chicago ça se passe mieux qu’à Paris. C’est surtout dans les états du Sud que c’est la merde.

J’ai beaucoup aimé l’énergie de Where I go , cette chanson aurait presque pu faire un tube de l’été !
Ouais, ça devait être un titre de l’été.
J’aurais voulu le sortir début Juillet. Mais on a tourné le clip au début de l’été, donc c’était impossible de le faire. Et à partir du moment où je sortais ce titre, il fallait la campagne de l’EP. Malheureusement c’était trop tôt.
Mais je l’ai sorti début septembre et  je suis très heureux car il a été

Where I go a l’esprit des six titres que l’on retrouve dans l’EP : un coté soleil. Après j’en ai que je préfère plus que d’autres comme Stick to itDown ou Sunflowers.
D’ailleurs s
ur Down il y a un truc plus particulier avec les cuivres ?
Oui c’est mon père au saxophone (Sylvain Beuf, NDLR)
Et  Stick to it et Sunflowers ne sont pas sur l’EP. Mais c’est gentil !

Et si tu as aimé Stick to itMoon en est très proche. Ce qui est intéressant dans ce morceau c’est que j’ai vraiment expérimenté au niveau du sound design. J’ai de la chance de faire de la musique pure. Sampler des trucs des machins, j’ai vraiment expérimenté.

C’est ce qu’il y a dans Sitck to it, beaucoup de voix samplées ?
En fait toutes les voix c’est moi. Que j’ai repiquées dans tous les sens,  je les ai pitchées.

Qu’est-ce que t’a apporté ta formation classique au CNSM?
Le CNSM a été une expérience très profonde pour moi.
Ça a été un immense cadeau car on est que sept de pris dans ce département. Je l’ai été guitare jazz et je faisais de la composition en option.
D’ailleurs mon chef de département jazz me disait « Passe moins de temps avec l’équipe de composition ». Moi je l’envoyais un peu se faire foutre car j’adorai ça.
Ça a été une grande pression. Car tu as ce côté élite très français des écoles supérieures. En fait au bout d’un an, je savais que j’allais arrêter. Je savais qu’il fallait que je me lance. Pour faire de la musique, pas en parler.

Tu me disais que tu aimes les arrangements sur Down, mais avec du recul, je les dois à mon prof du CNSM, François Théberge qui est un monstre musicien, qui nous a donné des trucs genre l’unisson sur la mélodie. Tu me parlais aussi de Sunflowers, et bien la mélodie c’est le même thème sur plein d’octaves et d’instruments différents. Ça donne une force à la mélodie. C’est un de ses conseils que je vais porter toute ma vie. C’est avant tout la mélodie qui est importante.

Avbe

Il y a un vrai rapport différent à la musique entre les Etats-Unis et la France ?
Il y en a plusieurs. La première qui me vient à l’esprit c’est l’approche la musique.
En France on est plus dans le style, l’esthétique, la scène en générale : la scène classique ou jazz. L’ensemble de jazz qui se produit sur une scène nationale ne pourra pas se produire au Zénith.
Il n’y pas cette question d’être au service de la musique contrairement aux Etats-Unis. On peut écouter n’importe quoi. C’est une vraie différence.
La musique européenne est profondément influencée par son histoire. Très établie par les écoles classiques.
L’autre différence c’est que la musique américaine vient de l’esclavage en partie et comment les esclaves ont métamorphosé cette culture. Et d’un autre côté toute la musique folk, la musique blanche, vient plus des traditions irlandaises et européennes.

Aux Etats-Unis, il y a un côté très brut dans la musique, ancrée dans la terre, dans l’histoire.
Quand tu écoutes un blues de Robert Johnson des années 30, il reste sur l’accord tant qu’il n’a pas fini sa phrase. Et ça c’est vraiment un héritage africain.

Et aussi aux Etats-Unis quand tu as une différence, c’est excitant : on te dit de la développer. En France, la différence est plus vue comme une problème.
Je l’ai un peu vu quand j’ai fais mon récital de fin de première année au CNSM. J’ai pris mon parti de jouer mes morceaux de jazz avec un son de country. Et je crois avoir fait un truc hyper honnête.  La première chose qu’on m’a dit c’est «  tu es hors des clous ». C’était un reproche.

Tu parles de musique de films, quel est ton compositeur préféré ? 

Ça paraît très touriste de dire ça mais il faut le citer : c’est John Williams. Ça reste une base parce qu’il a réussi le coup de maître de faire les plus grands thèmes d’Hollywood que l’on connaît, tout en ayant un niveau d’orchestration et une finesse dans l’écriture digne d’un Stravinsky. J’ai eu la chance de voir ces partitions écrites à la main, tu vois les détails qu’il y met.
J’adore aussi les musiques d’Alexandre Desplat qui écrit pour énormément de films par an.

Ma dernière claque, c’étaient les bandes originales des films de Paul Thomas Anderson.
En fait le compositeur c’est Jonny Greenwood, le guitariste de Radiohead, et qui écrit du symphonique comme un grand. Il a fait ses trois derniers films et notamment The Master, qui date de 2008.

Tu écoutes sa musique sans le film et les textures qu’il trouve sont juste extraordinaires. C’est une grosse inspiration pour moi.
Du coup tu comprends pourquoi Radiohead est génial en fait. C’est que lui, tout comme Thom Yorke, sont des gens qui ont cette ouverture d’esprit : ils sont capables de passer du jazz au symphonique ou au rock .
C’est des vrais artisans de la matière.

 Et est-ce qu’il y a un réalisateur pour qui tu voudrais composer ?
C’est une très bonne question ! Extrêmement complexe parce que tu en dis un, tu as envie d’en dire dix mille.

C’est aussi une question de feeling ?
Oui ! La relation entre un compositeur et un réalisateur est quelque chose de très profond et personnel. Il faudrait que je m’entende humainement avec lui.

Bizarrement j’aurai envie de te dire, mais ça paraît totalement absurde parce que j’ai regardé toutes ses interviews : j’aurai adoré composer pour Orson Welles. Ça va être un peu complexe ! Il était tellement fou, génial et travailleur.
En fait, on aurait bu des coups, beaucoup de coups ensemble ! On aurait énormément mangé et fumé pleins de cigares.
Netflix vient de sortir son film The other side of the wind. C’était trente ans de travail. Il ne l’a jamais fini, il est mort avant. Musicalement, j’aurai adoré mettre une patte là-dessus.

Ton top 3 musical du moment ? 

  • Les terres noires et leur album  Les forces contraires
  • Luc Ferry : Schopenhauer: la philosophie en podcast, c’est monstrueux surtout quand tu fais tes courses aux Etats unis
  • The 1975 : Notes on a Conditional Form

Une chanson pour séduire ?
Herbie Hancock  : Butterfly.

C’est les années 70’s, c’est hyper smooth. Et il y a un son de bongo qui est comme un son de  baleine.
Si tu veux pécho c’est top il y a un solo de clarinette basse au milieu. Il fait 15 minutes, tu as 100% de chances que ça marche.

Une chanson pour rompre ?
J’écoute mes chansons ! (rires).
Bon Iver, le premier album For Emma, Forever Ago, c’est un album majeur, un immense chef d’œuvre. C’est très dark,  tu l’écoutes tu n’en sors plus.

Une chanson que tu pourrais écouter en boucle ?
Ma mère quand j’étais gamin, elle écoutait les suites de Bach. Ça m’a influencé. C’est pour ça que j’ai fait du violoncelle.
Il y a ces morceaux classiques qui sont si bien écrits. C’est comme le nombre d’or de la musique.
Mais moi, le morceau qui me touche le plus c’est le premier mouvement du quatuor en Fa de Ravel. Tu écoutes ça et c’est toutes les unités de temps en une fois. C’est extraordinaire.

Un artiste pour lequel tu pourrais faire des folies pour le voir
J’ai envie de te citer des gens morts… Voir Ravel et fumer un cigare avec lui. Et même Jimmy Hendrix.
Mais ça ne serait pas temps les plus gros artistes en terme de vente. Je donnerais beaucoup pour voir dans les immenses jazzmen qui vont partir comme Wayne Shorter, qui est un immense saxophoniste de jazz qui a 90 ans. Le voir encore une fois.
Ou un artiste, qui est le plus grand, et je  fais tout pour le voir quand il passe quelque part : c’est  Bill Frisell : c’est le plus grand guitariste pour moi.

Une musique pour Chicago ?
Je vais t’en donner une qui a été enregistrée à Chicago et qui est pour moi une des plus belles de tous les temps. C’est un vieux blues chanté par un immense artiste. : Parchman Farm de Mose Allisson. C’est le son de Chicago. 

 Une musique pour Paris ?
Une musique que j’aime beaucoup écouter quand j’atterris en avion : Le tombeau de Couperin de Ravel, une pièce pour piano seul. Notamment le premier mouvement. Écoute ça la prochaine fois, ça va te faire chialer.

Si vous aimez l’univers de Avbe, foncez découvrir son EP Dawn.
Vous ne serez pas déçus.
On le redit : on a adoré les mélanges des styles !
#Enjoy !

Avbe
Couverture de l’EP Dawn

Avbe : EP Dawn

Disponible sur toutes les plateformes et en support physique

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