ET PENDANT CE TEMPS SIMONE VEILLE ! Rencontre avec Trinidad et ses interprètes

A l’issue d’une représentation de la réjouissante pièce Et pendant ce temps Simone Veil, au Studio Hébertot, nous avons échangé, aux côtés d’autres blogueurs et blogueuses avec Trinidad, Serena, Fabienne, Agnès et l’envie de chantonner à cœur joie : Veil, la chanson parodique sur l’air célébre Belle de Richard Cocciante, signée Trinidad.

« Veil,
Ce nom-là sonne pour nous comme un réveil,
De 20 siècles de désir mis en sommeil,
En séparant la grossesse du désir charnel,
Tu nous as donné la clé pour le 7ème ciel,
Pour la pilule, moi je dis : Merci Simone,
Tu m’as été bien plus utile que la Madone,
Merci pour l’IVG et la péridurale
C’est plus sympa de donner la vie sans avoir mal
Merci d’avoir fait d’une femme une personne
Tant pis pour celles préfèrent être des sili-connes… »

Et pendant ce temps Simone Veille nouveau spectacle de Trinidad avec Agnès Bove Serena Reinaldi et Fabienne Chaudat Studio Hébertot Paris affiche pièce photo de scène
ENTRETIEN

Trinidad, d’où vous est venue l’idée du spectacle ?
Trinidad
: L’idée est venue de l’affaire Strauss Khan. Je me suis dit ce n’est pas possible qu’en 2011 on entende dans les médias des choses comme cela, pas en France. Moi, qui suis fille d’immigrés, moi, qui ait pu avoir la vie que je voulais dans ce pays ce n’est pas possible. Et très vite l’idée s’est imposée de dire parce que c’est le seul moyen d’expression pour moi il faut rappeler qu’on est peut-être la dernière génération qui s’est battue et que nos acquis sont très récents et tout peut repartir très vite en arrière. J’avais déjà travaillé sur d’autres spectacles sur la transmission familiale, les secrets de famille, le Trans générationnel, et cela m’a paru évident comme cela de le faire sous forme de 3 lignées de femmes avec un personnage extérieur. Au début je le pensais chanter mais c’est sorti comme cela.

La chanson est arrivée très vite dans l’écriture du spectacle ?
Trinidad :
La dernière chanson VEIL existait bien avant le spectacle. C’est une parodie que j’ai faite il y a plus de dix ans. Il y a une petite histoire autour de ça. Un jour, j’étais à la Fnac Saint Lazare, je vois pour les 50 ans du planning familial une rencontre avec Simone Veil et la directrice du planning familial. Et moi naïve, je me dis je vais aller lui offrir mon texte. J’arrive dans une salle de 100 personnes, elle arrive par une allée centrale et au bout de 20min, il a fallu l’évacuer par les agents de la sécurité tellement elle s’est fait insultée, agressée, comme à l’Assemblée nationale en 1974.

C’était quand ?
Trinidad :
C’était en 2006. Et je me suis retrouvée avec mon petit texte et une frustration énorme et un chagrin énorme en me disant ce n’est pas possible, ce n’est pas possible et c’était il y a dix ans, c’était bien avant ce que nous sommes en train de vivre maintenant cette arrivée de niqab ; du voile ; de tout cela. J’ai toujours chanté, texte et chanson. Je ne suis pas chanteuse mais je ne peux pas ne pas chanter, et j’ai toujours fait ce genre de mélange. J’ai choisi de passer d’une époque à une à travers une chanson dans la pièce.
Libido, Les rois mages, Ivg, Pour que tu rames encore ont été créées pour la pièce.

Serena : Quand Trinidad m’a proposé de faire partie du projet, j’étais juste ravie, parce que dans mon parcours professionnel je travaille dans les prisons, dans les Zep et ce spectacle pour moi est le couronnement de ce travail là. C’est un spectacle pédagogique, en même temps drôle qui fait passer la pilule.
Je pense qu’aujourd’hui, en plus des évènements des attentats, le gouvernement est dans l’urgence et la culture doit être un plat de résistance. La culture est nécessaire pour les jeunes générations. Ils doivent apprendre par le corps comme le théâtre peut le faire, la signification de certains mots comme la laïcité, le féminisme.

Trinidad : Et surtout le féminisme correspond à une époque.
Aujourd’hui, on a l’impression de dire un gros mot quand on dit féminisme mais il correspond à une époque. On voit bien que les femmes reviennent de loin. A un moment donné cela a explosé. Et il y avait des hommes derrière ces combats. C’est ce que l’on dit à la fin du spectacle, il faut que cela se fasse avec les hommes. C’est aussi une affaire d’hommes. Quand on est au pays des droits de l’Homme, si la moitié de la population n’est pas libre, l’homme n’est pas libre. Les nouvelles générations qui se refoutent dans la religion ne comprennent pas que la liberté de l’un dépend de la liberté de l’autre. Il y a des hommes qui vous le disent quand les femmes n’ont plus eu cette angoisse d’être enceintes, libres dans leurs corps cela a été aussi une liberté pour les hommes.

Serena : Une personne qui est privée de sa dignité et de ses droits civiques n’est plus une personne. On ne peut pas lui demander de faire partie de la vie commune. Que l’on soit un homme ou une femme, il faut que la dignité soit construite aussi dans le regard de l’autre.

Trinidad : Toute notre génération se déclare du mouvement féminin plutôt que du féminisme. On se soucie de faire avec les hommes. Il n’y a aucun rejet et c’est, cela qui est super. Donc j’ai plutôt envie de rajouter : “et maintenant on fait quoi ?” Tout est là pour avancer ensemble.
J’ai constaté en écrivant la pièce que jusqu’à une époque les femmes se battaient ensemble. Aujourd’hui, chacun se bat avec lui-même. Tout le monde est en thérapie, tout le monde cherche une porte de sortie. On se bat surtout avec soi-même. C’est important pour moi de parler des années 90, parce qu’il y avait d’un côté les femmes de pouvoir et la déferlante des tops model. Si on se compare à l’autre, on est plus dans l’empathie, on est dans la rivalité. Alors que si l’on est ensemble autour d’un même combat, on est dans l’union, dans l’amour, on accepte la différence de l’autre.

Photo de scène nouveau spectacle Et pendant ce temps Simone Veille de Trinidad avec Agnès Bove Serena Reinaldi et Fabienne Chaudat Studio Hébertot Paris affiche pièce

Saviez-vous que les tops model masculins sont moins bien payés que les tops model féminins ?
Serena :
Ah mais c’est terrible ! 🙂

Trinidad : Ce que je trouve dommage aujourd’hui, c’est que les parents n’ont pas été capables malgré toute la libération sexuelle, d’expliquer juste qu’un acte sexuel c’est beau. Les nouvelles générations ont ingurgité du porno, des images violentes, ce qu’on montre à la télé, c’est hallucinant.

Serena : Je travaille dans les Zep, dans le cadre du programme « Jeunes pour l’égalité » en Ile de France mis en place par Henriette Zoughebi (Front de Gauche). Nous, les artistes, aidons les professeurs. Les professeurs sont dans un conflit de loyauté entre les parents et l’école. Ils n’ont pas ce rôle-là. Nous aidons les jeunes générations à se construire, à développer leur libre arbitre parce qu’au fond c’est ce bagage-là qui va les aider à faire des choix, à sélectionner les images qu’on leur expose. Les jeunes ne sont pas encore entièrement construits et l’école doit être un espace de construction. Le théâtre et la culture doivent soutenir cet espace-là.

Trinidad : On ne serait pas arrivé là, si la culture n’avait pas déserté les banlieues. C’est Agnès qui le disait très justement, avant il y avait le parti communiste qu’on adhère ou pas, en tout cas il amenait une certaine culture. Le metteur en scène nous racontait que sa mère était analphabète et parce qu’ils habitaient dans une banlieue communiste, il avait accès à l’opéra et au théâtre. Elle l’emmenait. Depuis que la gauche est entrée sur la scène politique, la culture s’est retirée et cela a laissé la porte ouverte à d’autres choses.

Serena : Je pense que le ministère des droits des femmes ne devrait pas aujourd’hui exister. S’il a encore besoin d’exister, c’est qu’on a encore besoin d’une béquille.

Tous les mercredis, à l’issue du spectacle, des femmes exceptionnelles rencontrent le public. Comment vous est venue l’idée ?
Trinidad
 : L’idée est née avec Michèle Fitoussi, auteur d’une biographie sur Helena Rubinstein. On se connait depuis dix ans. On s’est rencontré dans l’émission « le fou du roi » à France Inter. Au mois de mai dernier, autour d’un thé, Michèle me racontait la vie d’Helena Rubinstein. Cette femme est partie de rien. Elle a bâti un empire qui a révolutionné la cosmétologie. Elle a sorti la beauté des théâtres et des chambres des prostituées pour la mettre au service des femmes. Michèle souhaitait en faire un spectacle. Et j’ai aussitôt constaté que nous manquons de modèles féminins aujourd’hui. Qu’est ce qu’on offre aux jeunes générations Nabila ou Nadine Morano ? Il y en a des femmes chercheuses, des femmes écrivains dans notre société et c’est ainsi que j’en suis venue à proposer à Michèle d’intervenir à la fin du spectacle et que j’ai sollicité aussi bien Michèle Cros, artisan herboriste de beauté, Ma.J Brickler, directrice de l’école du bonheur et créatrice de chapeaux.

Propos recueillis par Georgia B

Et pendant ce temps Simone Veille nouveau spectacle de Trinidad avec Agnès Bove Serena Reinaldi et Fabienne Chaudat Studio Hébertot Paris affiche pièceET PENDANT CE TEMPS SIMONE VEILLE !

jusqu’au 10 janvier 2016

Mardi à Samedi : 21h
Dimanche : 15h

Studio Hébertot
78bis Boulevard des Batignolles
75017 PARIS

Distribution:
Trinidad
: Marcelle, Marceline, Marciane et Marcia
Serena Reinaldi : Giovanna, Giovanninna, Gina et Janis
Agnès Bove : France, Francine, Framboise et Fanfan
Fabienne Chaudat : Simone qui veille sur les droits des femmes

Texte féminin de Trinidad, Corinne Berron, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Bonbon

Mise en scène masculine par Gil Gaillot

BON A SAVOIR !
Tous les mercredis, à l’issue du spectacle, des femmes exceptionnelles rencontrent le public.

Mercredi 16 décembre : Baabou Clément
Mercredi 6 janvier 2016 : Ma.J Brickler

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